L’Europe face à la mondialisation – Part II

L’économie de marché peut amener des bénéfices macroéconomiques, mais il fait aussi des victimes humaines- des ouvriers qui sont heureux de trouver un nouveau travail et moins bien payé. Les nations développées d’Europe, avec leurs protections sociales généreuses, tentent une série de stratégies pour entrer dans la compétition mondiale avec des nations dont la population a de plus faibles salaires et des protections sociales minimales. La seconde partie de cette analyse réalisée en deux temps se focalise sur le Danemark et de la façon dont il se prépare son économie pour répondre à la mondialisation tout en maintenant une protection sociale à ses ouvriers. Avec une réponse à la mondialisation spécifique et un programme nommé « flexicurité », Copenhague offre à ses ouvriers une sécurité sociale sufissante. Si l’ancienne occupation salariale a été perdue pour le bon fonctionnement de tous, l’ouvrier peut entreprendre une formation aux frais du gouvernement. Comme résultat, les citoyens danois n’ont pas peur du changement – YaleGlobal

L’Europe face à la mondialisation – Part II

Le Danemark investit dans une main d’oeuvre adaptable, réduisant ainsi la peur du changement
Bruce Stokes
Thursday, May 18, 2006

WASHINGTON: Sarah Surratt est une victime des guerres économiques. Pendant 21 ans, Surratt a travaillé pour Allied Signal à Kannapolis, en Caroline du Nord, jusqu’à ce que son poste soit transféré à Mexico in 1992. Elle a été chanceuse de retrouver un poste d’assistant administratif au fabricant de textile Pillowtex. Mais en juillet 2003, elle s’est encore retrouvée sans emploi, lorsque Pillowtex, incapable de répondre à la compétition avec les importations croissantes, a mis un terme à ses activités, mettant au chômage 4,800 personnes. Surratt a alors trouvé un travail dans un lycée communal, travail payé 29 fois moins que son précédent emploi à Pillowtex.

Surratt n’est pas la seule. L’américain moyen qui perd son travail à cause des contraintes commerciales a une chance sur deux de gagner moins d’argent avec son nouvel emploi, à condition qu’il en trouve un. Dans une récente étude réalisée par le gouvernement sur quatre usines fermées cause d’importations croissantes, trois des dix ouvriers renvoyés n’ont pas trouvé de travail après plus d’un an de recherche.

Faisant face à une période de chômage prolongé et à un salaire moins élevé, il n’y a peu de doute que les ouvriers américains –et leurs homologues en Allemagne, France et Italie et dans les autres nations industrialisées- s’inquiètent de l’impact du commerce sur leurs vies et sur celle de leur famille.

Les économistes américains et les hommes d’affaires ont depuis longtemps rangé au placard dess sentiments comme le protectionnisme. Préférant se focaliser sur les bénéfices de la mondialisation –le critère de la productivité augmente du fait de la compétition internationale et la consommation du fait des importations moins coûteuses-, ils ont ignoré les coûts sociaux et humains découlant de l’ajustement des économies nationales à plus d’ouverture.

Les défenseurs américains et britanniques de la liberté du commerce avancent l’argument selon lequel faire face à la compétition mondialement, les économies doivent être ouvertes, avec de très flexibles marchés du travail leur permettant de s’ajuster rapidement aux conditions commerciales qui se modifient sans cesse. Dans le monde d’aujourd’hui, toute attention aux besoins des perdants n’est rien de plus qu’une volonté de retourner au protectionnisme, une résolution qui mènerait à une économie rigide et morte née et tellement française !

Mais moralement il est inacceptable que la compétition surpasse la compassion. Et de manière pratique, il est possible d’avoir une économie qui a à la fois du succès sur le marché mondial et qui soit responsable socialement. Prenez l’exemple du Danemark. Les danois –dans une politique de réponse à la mondialisation qu’ils ont nommé « flexicurité » ont trouvé l’équilibre entre la flexibilité du marché du travail et une sécurité sociale suffisante.

La manifestation de cette politique réside dans son taux d’emploi le plus élevé en Europe, une baisse du chômage de longue durée et une réparation des revenus la plus équitable parmi les pays industrialisés.

“La flexicurité” est un outil à trois éléments don’t l’équilibre dépend de l’abilité des hommes d’affaires à embaucher et à renvoyer facilement, de la volonté des employés à accepter le changement et aux ressources gouvernementales à financer des prestations sociales élevées et des formations pour le retour à l’emploi.

Aujourd’hui, le Danemark est un des pays qui possède une des plus flexibles main d’oeuvre dans le monde. A partir d’un outil d’évaluation développé par la Banque Mondiale, mesurant la difficulté à embaucher un nouvel employé, la rigidité des dispositions légales régissant le marché du travail, et les coûts découlant du renvoi d’un employé, sur un barème dont le pire score est 100, le Danemark a 20, l’Allemagne 55 et la France 66.

Une raison qui explique ce score est le coût de l’embauche d’un nouvel employé, en termes de taxes qui accompagnent tout nouveau travail, est juste 0,7 % supérieur au salaire payé par l’entreprise. En Allemagne, les coûts d’embauche représentent 21,3% du salaire, en France, 47,4%.

Et, contrairement à la majorité des pays européens, le Danemark a peu de dispositions légales régissant le marché du travail. Avec pour résultat que pour plus des trois quarts de la force de travail danoise il est possible pour les employeurs de modifier les heures hebdomadaires de travail et d’autoriser des fluctuations dans la production.

En contrepartie, les employés ont la garantie d’une protection sociale suffisante. Le salarié renvoyé touche 90% de son salaire perdu, alors que les bénéfices sociaux pour les mieux payés déclinent proportionnellement à leurs précédents gains.

En dépit de ces bénéfices, environ la moitié de ceux qui s’enregistrent à l’agence pour l’emploi sont sans emploi pendant une période de six mois et 70% d’entre eux trouvent un travail dans l’année. Le département du travail américain rapporte que le chômeur moyen touche ses indemnités pendant 159 semaines, mais cela ne révèle pas si il a trouvé un travail ou pas.

Ce succès peut être en partie attribuée à l’approche gouvernementale. Après un an sans travail, les individus doivent suivre une formation dans un autre domaine que celui qui était le leur. Ils n’ont pas le choix. S’ils refusent, leurs bénéfices sociaux sont interrompus.

Le troisième élément de la « flexicurité » est l’engagement du gouvernement danois à fournir aux ouvriers une possibilité de suivre une nouvelle formation de façon à ce qu’ils puissent trouver un nouvel emploi. Les entreprises peuvent embaucher des employés à court terme dans des formations ; le cours et le salaire étant pris en charge par le gouvernement. Le gouvernement paie également une partie du salaire de début dans le cas où l’employeur accepte de former. De tels bénéfices coûtent cher : des taxes équivalentes à 49,6% de l’économie danoise en 2004, comparée à 43,7% en France, 34,6% en Allemagne et 25,4% aux Etats-Unis.

Concernant le soutien de l’opinion publique, un sondage de 2003 a démontré que plus de la moitié des employés danois avaient pris part à ce programme de formation supplémentaire ou de développement des connaissances sur les douze derniers moi,s plus que n’importe quel autre pays européen.

Une meilleure formation a permis aux entreprises d’introduire de nouveaux et de plus flexibles modes d’organisation du travail, aidant le pays à rester compétitif sur le marché mondial. Par exemple, Unimerco, une entreprise de fabrication d’outils danoise a évolué de la fabrication d’armes à feu de poing à la production d’éléments spécialisés pour l’industrie automobile et aéronautique. L’entreprise a été élue comme le meilleur endroit pour travail au Danemark, pour avoir su organiser la production autour de petites équipes d’ouvriers, payant le même salaire à tous les salariés et leur autorisant à posséder la moitié de l’entreprise.

La « flexicurité » est basée sur l’engagement du Danemarl pour une protection sociale et une amélioration constante des capacités de l’employé. En 2003, le Danemark a dépensé 4,4% de son budget national sur le maintien des salaires et les formations. L’Allemagne dépense 3,5%, la France 2,95% et les Etats-Unis juste 0,5%.

Avec l’Union Européenne embourbée dans une croissance lente et un taux de chômage élevé, malgré les efforts nombreux pour soutenir sa compétitivé, le succès du modèle économique et social danois a attiré l’attention de la Commission Européenne. L’Union Européenne planifie ainsi un sommer sur la « flexicurité » d’ici la fin de 2007.

Mais la transplantation de la “flexicurité” n’est pas facile. L’ancien chancelier allemand Gerhard Schroeder a tenté d’adapter à son pays les réformes danoises en raccourcissant les bénéfices sociaux dû au chômeur. Mais ceux qui administrent le nouveau programme allemand n’ont pas réussi à maintenir la même sévérité dans leurs appréciations que leurs homologues danois et, comme résultat, les coûts on augmenté au lieu de descendre. Les français ont essayé de rendre plus facile le renvoi des jeunes employés. Des manifestations à Paris en ont été la conséquence.

Les Danois affirment que leur modèle ne peut pas fonctionner si les éléments inéquitables sont choisis. La leçon à retenir est que la flexibilité sans sécurité signicative sera rejetée.

Dans le même temps, la pression découlant de la mondialisation pour plus de flexibilité du travail et une sécurité plus réelle pour le travailleur émerge aux Etats-Unis, là où le chômage de longue durée grimpe et où les salaires stagnent.

Néanmoins, le Danemark, représentant l’Etat-providence et social par excellence, est devenu un modèle incongru dans une ère post-Reagan qui célèbre la faible intervention étatique, les taxes faibles et les solutions aux difficultés économiques laissées au marché. Alors, l’expérience danoise peut donner des illustrations de sortie de crise économique plus que des règles à suivre élément par élément pour les Etats Unis.

Cependant, l’expérience danoise démontre qu’une main d’oeuvre plus adaptable soutenu par des prestations sociales élevées et un programme de formations est attractif pour les travailleurs, les entreprises et les pays engagés dans une économie internationale compétitive. Faisant face aux forces du marché et aux tensions sociales, à la fois les pays non scandinaves et les Etats-Unis devraient considérer plus sérieusement l’implantation dans leurs pays de variantes de la « flexicurité ».

Bruce Stokes, the international economics columnist for the “National Journal,” a weekly Washington public policy magazine, is also a journalism fellow with the German Marshall Fund of the US, which supported research for this article. He can be reached at bstokes@nationaljournal.com. Traduit par Jean-Baptiste Davoust.

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